acTTTus#11 – Le coup d’oeil – L’avion a hydrogène : Airbus et Safran, champions des dépôts de brevets

Avion à hydrogène : Airbus et Safran, champions des dépôts de brevets !

Dans un contexte économique qui la touche de plein fouet, la filière aéronautique doit rebondir. Un enjeu fort : des avions moins polluants et plus performants. L’hydrogène tente de se frayer une place. En témoigne des dépôts de brevets en augmentation. Décryptage par Tech Intelligence®, service spécialisé en intelligence économique de Toulouse Tech Transfer.

Après une année noire en 2020 ayant cloué les avions au sol, la nouvelle année concentre tous les espoirs sur la relance du trafic aérien. Préparer l’après-covid ? Pas seulement. Le contexte environnemental impose à la filière aéronautique de réinventer l’avion. Nouvel aérodynamisme, nouveaux modes de propulsion, élargissement au transport urbain : les orientations technologiques n’ont jamais été aussi ouvertes et les perspectives de recherche aussi importantes.

Airbus en quête de son concept d’avion

Les constructeurs multiplient les annonces sur de nouveaux concepts. Ainsi, Airbus a annoncé à l’automne dernier son plan hydrogène, avec plusieurs concepts à l’étude. Mais il faudra patienter pour voir un avion commercial de ce type : pas avant 2035. En attendant, comme tous les industriels de la filière, Airbus s’active en matière de R&D et dépose des brevets. Un des derniers en date porte sur un nouveau mode de propulsion, avec des moteurs électriques autonomes, chacun pourvu d’une pile à combustible alimentée par de l’hydrogène liquide. Chaque système de propulsion autonome pourrait ainsi, en fonction des besoins, être remplacé lors d’une escale.

Un mode de réalisation dans ce brevet décrit une configuration à 6 moteurs. L’intérêt dans tout ça ? Les moteurs étant amovibles, les opérations de maintenance et de ravitaillement lors d’escales seraient facilitées en fonction des besoins. Sur un plan énergétique, plus de puissance pour embarquer davantage de passagers sur des lignes intérieures ou pour augmenter les distances de vol sur les longs courriers. Reste à voir l’impact carbone de ces nouveaux concepts, et si réellement ils répondent aux enjeux écologiques actuels et futurs.

Les grands donneurs d’ordre, premiers déposants de brevets

Le volume de brevets déposés explicitement sur l’avion à hydrogène a doublé en 4 ans, avec un paysage aujourd’hui dominé par les grands donneurs d’ordre motoristes (Safran, General Electric, Rolls Royce…) et les constructeurs aéronautiques, Airbus, Boeing mais aussi Textron. Et même si les industriels américains sont très actifs, Safran et Airbus le sont davantage, réunissant plusieurs dizaines de brevets autour du sujet.

L’Asie, un marché stratégique ?

Mais au-delà du volume des dépôts, il est souvent intéressant d’analyser la vitesse de citation des brevets déposés par les acteurs d’un domaine. Leur capacité à voir leurs brevets cités rapidement est une indication d’une technologie possiblement impactante, favorisant des « réponses technologiques » par  la concurrence le plus souvent. Et c’est en Asie que notre analyse nous conduit. Même si la majorité des dépôts de brevets asiatiques est portée par des acteurs académiques, nous voyons également apparaître des industriels, souvent peu connus en Europe.

C’est le cas du singapourien H3 Dynamics, cité dans le brevet Airbus sur les moteurs à hydrogènes indépendants : cette société est spécialisée dans la robotique, l’hydrogène (piles à combustibles) et l’intelligence artificielle. Autres exemples d’entreprises innovantes à fort impact technologique : le coréen Hylium Industries (stockage basse température de l’hydrogène liquide pour piles à combustible dans des drones, portefeuille industriel le plus cité), GiantDrone (concepteur également coréen de drones longue endurance équipés de piles à combustible à hydrogène), ou encore le chinois ReFire qui développe des piles à combustible à hydrogène. A noter que Hylium Industries et H3 Dynamics sont partenaires de l’ISAE-SUPAERO et le droniste toulousain Delair sur un projet de vol transatlantique de drone à hydrogène prévu pour 2023.

Autre analyse, si nous regardons vers quels pays ou zones géographiques les brevets déposés sur l’avion à hydrogène sont étendus, c’est bien l’Asie là aussi qui arrive en-tête, et tout particulièrement la Chine, devant les Etats-Unis et l’Europe.

Est-ce si surprenant ? Si nous revenons sur le concept d’avion d’Airbus cité plus haut, favorisant l’endurance et l’augmentation en capacité passagers des vols, pas tant que cela. Sur ce même marché où l’A380 a fini par échouer, l’avion à hydrogène sera-t-il plus compatible ? Réponse dans quelques années…

Et l’Europe dans tout ça ? Si nous poursuivons notre quête d’identification de sociétés technologiquement impactantes, c’est du côté du Royaume-Uni qu’il faut se tourner, tout particulièrement vers Rolls Royce, mais aussi Intelligent Energy qui fabrique des piles à combustibles pour l’automobile et les drones.

Peu de partage de la propriété intellectuelle

L’analyse des co-dépôts de brevets met en avant une volonté des acteurs à vouloir maîtriser la propriété intellectuelle de leurs inventions, sur un domaine hautement stratégique et à fort enjeu. Peu de co-dépôts donc. Mais en revanche, si les grands leaders semblent se refuser à partager la propriété de leurs brevets, les collaborations n’ont jamais été aussi nombreuses entre acteurs de la chaine : scientifiques, industriel, jusqu’aux compagnies aériennes. Comme par exemple British Airways, qui vient de signer un accord de partenariat avec la start-up ZeroAvia, sur un concept d’avion à hydrogène.

Ainsi, même si, nous l’avons vu plus haut, ce sont les grands donneurs d’ordre qui définiront les grands choix technologiques, ils ne pourront seuls relever les défis majeurs de l’hydrogène dans un avion. C’est pour Toulouse une véritable opportunité de valoriser les compétences scientifiques dans ses domaines d’excellence autour de l’aéronautique, l’énergie et les systèmes embarqués. Que ce soit en termes de collaborations – avec d’autres acteurs académiques de premier plan ou les donneurs d’ordre industriels – mais aussi de création d’entreprise issue de la recherche académique.