Innov'Start(H)er - Entretien avec Nina Gazal
Nina Gazal, CEO de Mycelium concept est intervenue lors du bootcamp "Innov Start(H)er" dédié à l'entrepreneuriat Deeptech. Découvrez dans cette ITW, son parcours & sa vision d'entrepreneure.

Parcours et motivations
Pouvez-vous nous raconter votre parcours, depuis vos débuts dans la recherche jusqu’à votre aventure entrepreneuriale ?
"Dès ma deuxième année de thèse, le projet Mycélium Concept a vu le jour, avec pour ambition de valoriser mes travaux de recherche et de les orienter vers une application industrielle à l’échelle nationale. Ce projet a été solidement appuyé par le programme Doc d’Occitanie, qui a permis d’en poser les fondations. En 2023, j’ai eu l’honneur d’être lauréate du programme StartThèse, un jalon clé pour la reconnaissance et l’évolution de mes travaux.
Ma thèse, achevée en 2023, s’est conclue par une reconnaissance prestigieuse : le Grand Prix National i-PhD, témoignant de la qualité et du potentiel innovant des recherches menées. C’est aussi un évènement marquant dans le développement du projet, qui a encouragé l’investissement de la SATT Toulouse Tech Transfer pour l’année 2024.
L’objet de ce programme de maturation était d’améliorer le procédé de production ainsi que la finition des matériaux, mais aussi de travailler le scale-up du process. Une collaboration a été mise en place avec le laboratoire du LCA de Toulouse avec l’obtention d’une exploitation de licence d’un brevet."
Qu’est-ce qui vous a donné envie de passer du monde académique à celui de l’entrepreneuriat, un déclic ?
"Ce qui m’a donné envie de passer du monde académique à l’entrepreneuriat, c’est un mélange de curiosité, d’envie de concrétisation, et de besoin d’élargir mon horizon professionnel. J’avais envie de voir mes recherches aboutir à des applications concrètes, mais aussi de les ouvrir à un public plus large que le seul milieu académique. L’entrepreneuriat m’a offert cet espace de liberté pour façonner un projet professionnel à mon image, en dehors du cadre universitaire, tout en gardant une démarche rigoureuse et innovante."
Innovation et deeptech
Quelle est l’innovation à l’origine de votre startup et comment est-elle née ?
Quel rôle la recherche publique a-t-elle joué dans la maturation de votre technologie ?
"Je produis des matériaux biosourcés en mycélium de champignon. L’innovation à l’origine de ma startup ne réside pas dans le matériau lui-même — le mycélium de champignon étant déjà exploré dans différents domaines — mais dans le développement d’un procédé de fabrication pré-industriel, plus fiable, reproductible et adaptable à une montée en échelle. C’est véritablement sur le 'comment produire' que se concentre l’innovation.
La recherche publique a joué un rôle clé dans cette démarche. Ma thèse m’a permis d’explorer en profondeur les conditions de culture du mycélium, de développer un procédé reproductible à l’échelle laboratoire, et de poser les bases techniques nécessaires pour envisager un scale-up. Ce cadre m’a offert à la fois du temps, des moyens, et un environnement rigoureux pour tester, valider et ajuster les différentes étapes du processus avant de penser à une application industrielle."
Passage à l’action
Qu’est-ce qui vous a le plus surpris en passant de chercheuse à entrepreneure ?
Avez-vous bénéficié d’un accompagnement pour vous lancer (incubateur, SATT, mentor…) ?
"Ce qui m’a le plus surprise en passant de chercheuse à entrepreneure, c’est à quel point les compétences développées dans la recherche sont utiles et transposables : rigueur, curiosité, capacité à résoudre des problèmes complexes, gestion de projets… Je ne pensais pas qu’elles seraient autant valorisées dans le monde entrepreneurial. Ce qui change, en revanche, c’est le rythme, la diversité des tâches, et la nécessité de sortir de sa spécialité pour toucher à tout. C’est un défi, mais aussi une belle occasion d’apprendre.
Pour m’accompagner dans cette transition, j’ai eu la chance d’être soutenue par la SATT, l’incubateur Nubbo, le programme i-PhD, ainsi que l’association Willa. Ces structures m’ont permis de structurer mon projet, de me former à l’entrepreneuriat et d’être bien entourée dès les premières étapes."
Femme, science et entrepreneuriat
Avez-vous rencontré des freins ou des biais en tant que femme dans ce parcours ?
Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à une chercheuse qui envisage de se lancer ?
"Personnellement, je n’ai pas rencontré de freins directs en tant que femme dans mon parcours entrepreneurial. Au contraire, j’ai senti un réel soutien de la part de l’écosystème, qui tend aujourd’hui à mieux accompagner les femmes vers l’entrepreneuriat. Cela dit, le principal obstacle pour moi a été le manque de confiance en moi au départ, ce qui est assez courant chez beaucoup de femmes chercheuses. Il est important de le reconnaître, mais aussi de le dépasser. Je pense qu’il faut aussi être vigilante à ne pas tomber dans une logique de 'discrimination positive' qui pourrait être contre-productive : on ne lance pas un projet parce qu’on est une femme, mais parce qu’on a une idée solide, des compétences et une vraie motivation. Mon conseil à une chercheuse qui veut se lancer : osez. Vous avez déjà toutes les bases — la rigueur, la curiosité, la capacité d’analyse — il faut juste faire le pas, s’entourer, et accepter qu’on apprend beaucoup en avançant."
Regard personnel
Quelle est la « leçon » la plus marquante que vous avez apprise depuis que vous êtes entrepreneure ?
"La leçon la plus marquante que j’ai apprise, c’est qu’on ne peut pas avancer seul·e. Psychologiquement, l’entrepreneuriat est exigeant : il y a des hauts, des bas, des doutes constants. Il faut apprendre à demander de l’aide, à s’entourer, à partager ses questionnements. Le mythe de l’entrepreneur solitaire est un piège. Ce qui fait la différence, c’est le réseau, l’écoute, et le soutien autour de soi."
Quel impact espérez vous avoir sur la société ou sur votre secteur grâce à votre technologie ?
"Avec mon projet, j’espère avoir un impact environnemental en proposant des matériaux biosourcés, mais aussi contribuer à changer notre regard sur la manière dont on conçoit, produit et interagit avec notre environnement. Le mycélium, comme d’autres organismes vivants, nous invite à repenser nos modèles selon les principes du biomimétisme et de l’intelligence du vivant.
Innover aujourd’hui, c’est apprendre à écouter un besoin et à coopérer avec le vivant. C’est aussi avoir le courage de ralentir, de considérer son impact et de créer du sens."
Une phrase signature autour de votre vision de l’innovation ou de l’impact ?
"Le plus grand courage, c’est de garder les yeux ouverts". Simone de beauvoir
Portraits d'entrepreneures